Projection du fardeau du cancer au Canada en 2024 [Recherche]

Résumé

Contexte: Les données de surveillance du cancer sont essentielles pour mieux comprendre les lacunes et les progrès réalisés dans la lutte contre le cancer. Nous avons cherché à résumer les répercussions prévues du cancer au Canada en 2024, en effectuant des projections sur les nouveaux cas de cancer et les décès par cancer, par sexe et par province ou territoire, pour tous les âges confondus.

Méthodes: Nous avons obtenu les données sur les nouveaux cas de cancer (c.-à-d., l’incidence, 1984–2019) et les décès par cancer (c.-à-d., la mortalité, 1984–2020) du Registre canadien du cancer et de la Base canadienne de données de l’état civil — Décès, respectivement. Nous avons projeté les chiffres et les taux d’incidence du cancer et de mortalité jusqu’en 2024 pour 23 types de cancer, par sexe et par province ou territoire. Nous avons calculé des taux normalisés selon l’âge au moyen de données de la population type canadienne de 2011.

Résultats: En 2024, les nombres de nouveaux cas de cancer et de décès causés par le cancer devraient atteindre 247 100 et 88 100, respectivement. Le taux d’incidence normalisé selon l’âge (TINA) et le taux de mortalité normalisé selon l’âge (TMNA) devraient diminuer légèrement par rapport aux années précédentes, tant chez les hommes que chez les femmes, avec des taux plus élevés chez les hommes (TINA de 562,2 pour 100 000, et TMNA de 209,6 pour 100 000 chez les hommes; TINA de 495,9 pour 100 000 et TMNA de 152,8 pour 100 000 chez les femmes). Les TINA et les TMNA de plusieurs cancers courants devraient continuer à diminuer (p. ex., cancer du poumon, cancer colorectal et cancer de la prostate), tandis que ceux de plusieurs autres cancers devraient augmenter (p. ex., cancer du foie et des voies biliaires intrahépatiques, cancer du rein, mélanome et lymphome non hodgkinien).

Interprétation: Bien que l’incidence globale du cancer et la mortalité connexe sont en déclin, il devrait y avoir une augmentation des nouveaux cas et des décès au Canada en 2024, en grande partie en raison de la croissance et du vieillissement de la population. Les efforts en matière de prévention, de dépistage et de traitement ont atténué les répercussions de certains cancers, mais ces projections à court terme soulignent l’effet potentiel du cancer sur les gens et les systèmes de soins de santé au Canada.

Le cancer a une incidence considérable sur la vie des personnes vivant au Canada et sur les systèmes de soins de santé canadiens1,2. Selon les estimations antérieures, 45 % de toutes les personnes au Canada recevront un diagnostic de cancer au cours de leur vie3,4. Comme la population croît et vieillit, il y a aussi une croissance des nouveaux cas de cancer et des décès causés par le cancer au Canada5,6. De plus, le cancer a un impact économique majeur. Selon les estimations les plus récentes, le fardeau économique du cancer au Canada était de 26,2 milliards de dollars en 2021, dont 30 % étaient pris en charge par les patients eux-mêmes et leur famille7.

En raison du temps requis pour la collecte et la vérification des données, les données sur le cancer sont nécessairement décalées de plusieurs années. On estime les projections à court terme en extrapolant les tendances passées pour le futur, à l’aide de modèles statistiques. Ces projections de l’incidence et de la mortalité fournissent un portrait actuel de l’impact du cancer au Canada, qui est nécessaire à la planification des ressources, à la recherche et à l’orientation des programmes de lutte contre le cancer. Étant donné l’incidence globale du cancer sur la vie et la subsistance économique des personnes au Canada, ces estimations sont essentielles pour souligner où des progrès ont été réalisés dans la lutte contre le cancer et où il faut attribuer plus de ressources et faire plus d’efforts.

La publication Statistiques canadiennes sur le cancer de 2023 comprenait des estimations détaillées des indicateurs du cancer, y compris l’incidence, la mortalité, la survie selon le sexe à la naissance, l’âge, la province ou le territoire, ainsi que les tendances dans le temps, pour 23 types de cancer, de 1984 à 20233. Nous avons tenté de mettre à jour ces analyses et de déterminer les projections de dénombrement et les taux normalisés selon l’âge de nouveaux cas de cancer et de décès attendus en 2024, selon le sexe et par province ou territoire, pour tous les âges confondus.

MéthodesConception de l’étude

Nous avons réalisé une analyse des données sur le cancer dans la population, avec des estimations de projections mises à jour du Comité consultatif des statistiques canadiennes sur le cancer, une collaboration entre Statistique Canada, l’Agence de la santé publique du Canada et la Société canadienne du cancer. Le comité consultatif comprend des représentants de chacune de ces organisations, ainsi que des représentants du Partenariat canadien contre le cancer, des registres provinciaux du cancer et des collaborateurs universitaires. Les décisions analytiques et méthodologiques sont prises en collaboration et approuvées par le comité en s’appuyant sur des approches documentées3. Sauf indication contraire, les sources de données et les décisions méthodologiques utilisées dans cette étude sont telles que décrites en détail dans la publication Statistiques canadiennes sur le cancer de 20233.

Sources des données

Nous avons obtenu des données sur l’incidence du cancer du Système national de déclaration des cas de cancer (1984–1991) et du fichier maître des totalisations du Registre canadien du cancer (1992–2019), publié le 16 mai 20238. Nous avons obtenu des données sur les décès de la Base canadienne de données de l’état civil — Décès (1984–2020), publiées le 24 janvier 20229. Ces bases de données nationales, fondées sur la population, sont alimentées par des données transmises par les registres provinciaux et territoriaux du cancer à Statistique Canada, où ces bases de données sont maintenues. Nous avons également obtenu de Statistique Canada des estimations de la population réelles et projetées1012.

Analyse statistique

Nous avons projeté le nombre de cas et les taux de 2020 à 2024 à l’aide du progiciel de projection CANPROJ afin d’obtenir des estimations de l’incidence et de la mortalité du cancer13. Le progiciel CANPROJ utilise les tendances des données réelles (c.-à-d., historiques) pour sélectionner le modèle le mieux adapté pour les années suivantes, en fonction d’un algorithme de décision qui compare 6 modèles, y compris le modèle Nordpred (âge–période–cohorte–dérive); l’âge-cohorte; modèle hybride, tendance spécifique par âge; modèle hybride, tendance commune pour l’âge; modèle hybride, âge seulement; et moyenne sur 5 ans. La sélection du modèle est fondée sur des tests statistiques pour chaque modèle, en commençant par le plus complexe (Nordpred). En fonction de règles précises, un modèle plus simple peut être sélectionné. Des détails supplémentaires sur l’approche de modélisation de CANPROJ et sur sa sélection de modèle sont fournis à l’annexe 1, accessible au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.240095/tab-related-content. La validation du logiciel CANPROJ a été effectuée au moyen des données sur l’incidence du cancer au Canada (à l’exception du Québec)14.

Le Comité consultatif de la Société canadienne du cancer a examiné chaque modèle sélectionné par le logiciel CANPROJ, ainsi que les 5 autres modèles produits, afin de pouvoir proposer le modèle le plus approprié pour chaque province ou territoire. Le comité s’appuie sur un ensemble de principes, ainsi que sur l’utilisation d’un arbre de décision, pour formuler ses recommandations (annexe 1). Les décisions sur les modèles définitifs pour chaque province ou territoire ont été prises en consultation avec les responsables du registre du cancer de l’administration concernée, et par consensus. Pour ces analyses, nous avons utilisé les mêmes modèles que ceux sélectionnés pour rédiger la publication Statistiques canadiennes sur le cancer de 20233.

Pour le Québec, nous avons calculé les projections d’incidence de 2018 à 2024, étant donné que les données sur les cas de cancer diagnostiqués dans cette province après 2017 n’avaient pas encore été transmises au Registre canadien du cancer. De plus, le Québec est passé d’un registre exclusivement fondé sur des données sur les congés des hôpitaux à un registre central plus intégré, ce qui a entraîné une augmentation artificielle pour certains dénombrements de cas de certains types de cancer pendant les premières années de la transition (2011–2012). Par conséquent, pour ces 2 années de diagnostic, pour certains taux propres à l’âge et au sexe au Québec, nous avons utilisé des estimations découlant du lissage de nuage de points estimés à l’échelle locale de la période de référence 2006–2017 (annexe 1). Nous avons généré des projections d’incidence pour la Nouvelle-Écosse de 2019 à 2024, car les données pour 2019 (c.-à-d., soumissions des cas de la province au Registre canadien du cancer) nécessitaient une vérification plus approfondie.

Nous avons produit des estimations prévisionnelles pour 23 types de cancer selon le sexe à la naissance (ci-après, le sexe) et la région géographique (province ou territoire). Les définitions des types de cancer figurent dans le premier tableau supplémentaire de l’annexe 11517. Les projections pour l’ensemble du Canada ont été obtenues en additionnant les projections estimées pour chaque province ou territoire. Tous les taux d’incidence et de mortalité ont été normalisés selon l’âge en fonction de la population type canadienne de 2011, à l’aide de la méthode directe18.

Approbation éthique

Comme cette étude comportait l’analyse de données administratives accessibles au public des Centres de données de recherche de Statistique Canada et ne demandait pas de communiquer avec des personnes, l’examen et l’approbation d’un comité d’examen éthique n’ont pas été nécessaires.

RésultatsIncidence en 2024

En 2024, on prévoit que 247 100 nouveaux cas de cancer seront diagnostiqués (tableau 1). Le cancer du poumon devrait demeurer le cancer le plus fréquemment diagnostiqué au Canada, avec 32 100 nouveaux cas prévus en 2024. Le cancer du sein (30 800 cas), le cancer de la prostate (27 900 cas) et le cancer colorectal (25 200 cas) devraient ensuite être les types de cancer les plus fréquemment diagnostiqués. Ensemble, ces 4 types de cancer représentent 47 % de tous les nouveaux cas de cancer prévus en 2024.

Tableau 1:

Estimations projetées des nouveaux cas et des taux d’incidence normalisés selon l’âge (TINA) pour les cancers au Canada, selon le sexe, 2024

Chez les hommes, les cancers les plus couramment diagnostiqués devraient être le cancer de la prostate (22 %), le cancer du poumon (12 %), le cancer colorectal (11 %) et le cancer de la vessie (7 %). Chez les femmes, les cancers les plus couramment diagnostiqués devraient être le cancer du sein (25 %), le cancer du poumon (14 %), le cancer colorectal (9 %) et le cancer de l’utérus (7 %). Mis à part les cancers propres au sexe, la maladie est plus fréquemment diagnostiquée chez les hommes que chez les femmes, à l’exception du cancer du sein, du cancer de la glande thyroïde, et du cancer du poumon, qui sont plus fréquents chez les femmes (tableau 1). Dans l’ensemble, le taux d’incidence normalisé selon l’âge (TINA) pour tous les cancers confondus devrait être 13 % plus élevé chez les hommes que chez les femmes (562,2 par rapport à 495,9 pour 100 000 personnes) en 2024.

Mortalité en 2024

En 2024, il est prévu que 88 100 personnes au Canada vont mourir du cancer (tableau 2). Le cancer du poumon devrait demeurer la cause la plus fréquente de décès par cancer, avec 20 700 décès prévus en 2024. Ces décès représenteront presque un quart de tous les décès par cancer au Canada. Le cancer colorectal (9400 décès), le cancer du pancréas (6100 décès), le cancer du sein (5500 décès) et le cancer de la prostate (5000 décès) devraient être les prochaines causes les plus courantes de décès par cancer. Ensemble, ces 5 cancers devraient représenter plus de la moitié (53 %) de tous les décès par cancer au Canada en 2024.

Tableau 2:

Estimations projetées des décès et des taux de mortalité normalisés selon l’âge (TMNA) pour les cancers, selon le sexe, Canada, 2024

Chez les hommes comme chez les femmes, le cancer du poumon représente le nombre le plus élevé et la proportion la plus importante de décès par cancer (10 900 [23 %] et 9800 [24 %] décès projetés, respectivement). Le cancer colorectal (11 %), le cancer de la prostate (11 %), le cancer du pancréas (7 %) et le cancer du foie et des voies biliaires intrahépatiques (5 %) sont les prochaines causes les plus courantes de décès par cancer chez les hommes, tandis que chez les femmes, les prochaines causes les plus courantes de décès par cancer sont le cancer du sein (13 %), le cancer colorectal (10 %), le cancer du pancréas (7 %) et le cancer de l’ovaire (5 %).

Le taux de mortalité normalisé selon l’âge (TMNA) devrait être nettement plus élevé (37 % de plus) chez les hommes que chez les femmes (209,6 par rapport à 152,8 pour 100 000, respectivement) en 2024. Mis à part les cancers propres au sexe, les taux de mortalité devraient être plus élevés chez les hommes pour tous les types de cancer, à l’exception du cancer du sein (tableau 2).

Incidence au fil du temps

Les tendances dans les TINA pour les cancers les plus courants chez les hommes et les femmes sont présentées à la figure 1. Au cours de la période d’étude, les TINA pour tous les cancers confondus et les types de cancer les plus courants ont été plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Toutefois, les taux d’incidence du cancer du poumon ont convergé pour les hommes et les femmes, et il est attendu que les femmes auront une incidence légèrement plus élevée du cancer du poumon en 2024. Les taux d’incidence du cancer colorectal ont diminué ces dernières années, tant chez les hommes que chez les femmes. En 2024, les taux d’incidence du cancer colorectal devraient être inférieurs de 26 % et de 31 % à ceux de 1984 pour les hommes et les femmes, respectivement.

Figure 1:Figure 1:Figure 1:

Taux d’incidence normalisés selon l’âge pour (A) les cancers les plus courants (poumon, colorectal, prostate, sein) et (B) des cancers supplémentaires (foie et canaux biliaires hépatiques, mélanome, rein et bassinet du rein, lymphome non hodgkinien, tête et cou) au Canada, selon le sexe, 1984–2024. Les données de 1984 à 1991 provenaient du Système national de déclaration des cas de cancer et les données de 1992 à 2019 provenaient du Registre canadien du cancer. Les analyses ont été effectuées par Statistique Canada au Centre de données sur la santé de la population. Les données projetées pour 2020–2024 sont présentées dans des zones ombragées.

Mortalité au fil du temps

Les tendances dans les TMNA pour les causes les plus courantes de décès par cancer pour les hommes et les femmes sont présentées à la figure 2. Pour tous les cancers confondus et les causes les plus courantes de décès par cancer, les TMNA ont été plus élevés chez les hommes que chez les femmes au fil du temps. La mortalité due au cancer du poumon est en baisse chez les hommes depuis le sommet atteint en 1988, avec un déclin constant par la suite. Pour les femmes, ce sommet a été atteint en 2006 et le taux a diminué depuis.

Figure 2:Figure 2:Figure 2:

Taux de mortalité normalisés selon l’âge pour (A) les cancers les plus courants (poumon, colorectal, prostate, sein, pancréas) et (B) des cancers supplémentaires (foie et canaux biliaires hépatiques, mélanome, rein et bassinet du rein, lymphome non hodgkinien, tête et cou), au Canada, selon le sexe, 1984–2024. Les données de 1984 à 2020 proviennent de la Base canadienne de données sur les décès de la Statistique de l’état civil. Les analyses ont été effectuées par Statistique Canada au Centre de données sur la santé de la population. Les données projetées pour 2020–2024 sont présentées dans des zones ombragées.

Tendances significatives en dehors des cancers les plus courants

Au fil du temps, on observe une augmentation de l’incidence et de la mortalité pour les cancers du foie et des voies biliaires intrahépatiques, tant chez les hommes que chez les femmes (figures 1B et 2B). On observe également une incidence accrue du cancer du rein et du bassinet du rein, surtout chez les hommes, même si la mortalité a diminué ces dernières années. L’incidence du mélanome continue d’augmenter tant chez les hommes que chez les femmes, bien que la mortalité soit restée globalement stable. Bien que relativement stable chez les femmes, l’incidence du cancer de la tête et du cou chez les hommes a considérablement diminué entre 1984 et 2005, et augmente depuis. La mortalité due au cancer de la tête et du cou a diminué chez les hommes et les femmes.

On s’attend à ce que le lymphome non hodgkinien sera le cinquième cancer le plus fréquemment diagnostiqué, et représentera 5 % des nouveaux cas de cancer chez les hommes et 4 % des nouveaux cas chez les femmes. L’incidence du lymphome non hodgkinien a augmenté jusqu’au milieu des années 2010, et ce, davantage chez les hommes que chez les femmes (figure 1B). Inversement, la mortalité a diminué pour ce type de cancer au cours des 2 dernières décennies pour les 2 sexes (figure 2B).

Incidence et mortalité au Canada

Les TINA projetés et le nombre de nouveaux cas de cancer pour 2024 sont fournis par type de cancer et par région dans les tableaux supplémentaires 2 et 3, respectivement, de l’annexe 2, accessible au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.240095/tab-related-content; les TMNA et les décès par cancer en 2024 sont fournis au tableaux supplémentaires 4 et 5, respectivement, de l’annexe 2. Tant les TINA que les TMNA ont montré une variabilité considérable entre les régions géographiques. Pour tous les cancers confondus, les TINA sont généralement plus élevés dans l’est du Canada (figure supplémentaire 1A de l’annexe 3, accessible au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.240095/tab-related-content). Les TMNA sont généralement moins élevés dans l’ouest du Canada (figure supplémentaire 1B de l’annexe 3). Nous avons également observé des différences notables dans les TINA et TMNA projetés pour des types de cancer précis selon les provinces et territoires, comme on le voit au tableaux supplémentaires 2 et 4 de l’annexe 2. Dans l’ensemble, les TINA globaux sont plus élevés dans les provinces de l’Atlantique et de l’Est que dans les provinces de l’Ouest, surtout en raison des différences de cas de cancers courants, comme le cancer du poumon, le cancer colorectal et le cancer du sein.

Interprétation

Bien que le nombre de cas de cancer en 2024 devrait augmenter par rapport aux années précédentes, l’incidence globale du cancer et la mortalité par cancer continuent de diminuer. Ces diminutions sont probablement attribuables à des efforts continus dans tout le spectre de la lutte contre le cancer et à des améliorations en matière de prévention, de dépistage et de traitement, particulièrement pour certains cancers où il y a eu des efforts concertés19.

La survie globale des personnes atteintes de cancer continue de s’améliorer2022, ce qui contribue à un nombre croissant de personnes vivant avec un cancer et après un cancer. Selon les estimations de 2022, plus de 1,5 million de personnes au Canada vivaient avec un cancer ou avaient eu un cancer, 25 ans après le diagnostic23. Cette population croissante de survivants du cancer, combinée à la croissance annuelle prévue dans le nombre total de nouveaux cancers primaires en 2024, aura des répercussions importantes sur les systèmes de santé canadiens, compte tenu des besoins continus des personnes ayant des antécédents de cancer. L’augmentation du nombre de survivants au cancer nécessitera des investissements supplémentaires et davantage d’innovation pour fournir les mesures de soutien nécessaire24.

Le cancer demeure la première cause de décès au Canada. Les estimations du Centre des données sur la santé de la population de Statistique Canada, publiées en 2023, suggèrent que le cancer représentait près de 25 % de tous les décès au Canada en 202225. En ce qui concerne les années potentielles de vie perdues avant l’âge de 75 ans, l’impact du cancer est encore plus profond. Entre 2018 et 2020, plus de 1 322 000 années potentielles de vie ont été perdues en raison du cancer. Ces données suggèrent que le cancer est aussi de loin la première cause de décès prématuré au Canada3.

Des améliorations notables se poursuivent en ce qui concerne l’incidence et la mortalité du cancer du poumon et du cancer colorectal. On continue d’observer les retombées de l’abandon et de l’évitement du tabac sur l’incidence du cancer du poumon26,27. Toutefois, chez les femmes, les réductions de l’incidence du cancer du poumon ne sont pas si prononcées, et on s’attend à ce que plus de cas soient diagnostiqués chez les femmes que chez les hommes en 2024 au Canada. Aux États-Unis, des taux plus élevés de cancer du poumon ont été observés chez des femmes plus jeunes, qui ne sont pas nécessairement entièrement expliqués par les tendances de consommation de tabac28. Pour l’incidence du cancer colorectal, des programmes de dépistage organisés ont mené à des réductions importantes des TINA ces dernières années29,30. Pour les cancers du poumon et le cancer colorectal, des améliorations aux voies de dépistage et à la prise en charge clinique ont mené à des réductions de la mortalité, avec des taux de survie améliorés pour la plupart des stades de diagnostic20,3133.

Dans nos analyses, nous avons mis en évidence plusieurs autres cancers (p. ex., cancer du foie et des voies biliaires intrahépatiques, cancer du rein, mélanome, et cancers de la tête et du cou) dont les tendances sont préoccupantes. Au cours des 4 dernières décennies, on a observé certaines des augmentations les plus rapides pour les taux de ces cancers au Canada. Les augmentations de l’incidence des cancers du foie et des voies biliaires intrahépatiques ont été associées à des facteurs comme la consommation d’alcool34, les infections par les hépatites B et C35, l’excès de poids36 et le diabète37. Le cancer du rein est devenu l’un des cancers les plus fortement associés à un excès de poids36, au diabète38 et à l’hypertension artérielle39. La hausse des taux de mélanome est une source d’inquiétude constante, étant donné la relation connue avec l’exposition aux rayons ultraviolets; un investissement continu est nécessaire pour soutenir les efforts préventifs personnels et les efforts stratégiques40. Les cancers de la tête et du cou font également partie du groupe d’incidence moyenne. Différents facteurs de risques et de tendances épidémiologiques en matière de consommation de tabac et d’alcool41, ainsi que les infections par le virus du papillome humain (VPH)42, influent sur ces taux et méritent une attention soutenue.

Des progrès substantiels ont été réalisés dans la réduction de l’incidence du cancer du col de l’utérus au cours des dernières décennies, mais les tendances récentes suggèrent que les taux ont atteint un plateau et ont même commencé à augmenter. Le taux reste relativement faible (7,8 cas pour 100 000), mais l’augmentation récente observée est préoccupante étant donné que le cancer du col de l’utérus est largement évitable. Des tendances semblables ont été observées aux États-Unis, avec une augmentation des diagnostics à un stade avancé43 et des taux globaux dans les groupes d’âge plus jeunes (30–40 ans)44. Une étude menée en Colombie-Britannique de 1971 à 2017 a révélé une atténuation semblable des taux en baisse dans les groupes d’âge plus jeunes (< 45 ans)45. Ces projections portent à croire qu’une intervention continue est nécessaire pour atteindre l’objectif d’éliminer le cancer du col de l’utérus au Canada24. L’Organisation mondiale de la Santé laisse entendre que les pays devraient viser moins de 4 cas pour 100 000 d’ici 2030 grâce à l’adoption généralisée (90 %) de programmes de vaccination contre le VPH et les tests de dépistage du VPH à titre de méthode de dépistage primaire46.

Une mise à jour importante de nos analyses est attribuable à l’inclusion des données du Québec, rendue possible par la soumission au Registre canadien du cancer des données d’incidence de 2011–2017 provenant du Registre du cancer du Québec3. En comparaison avec les efforts antérieurs pour modéliser les données nationales, les estimations projetées par cette analyse sont probablement plus précises pour le Québec et le Canada, car on a inclus les données du Québec qui manquaient auparavant.

Limites

Une importante limite des données actuellement disponibles sur le cancer dans la population au Canada est le manque de données au niveau individuel sur les déterminants sociaux de la santé, comme le revenu, l’éducation, la race et l’ethnicité. Les registres provinciaux du cancer sont tenus de recueillir des données pour saisir les diagnostics de cancer confirmés sur le plan pathologique, mais des mesures des déterminants sociaux ne sont pas capturées par les autorités sanitaires régionales ou provinciales aux fins d’inclusion dans les registres. Malgré ces limites, les données provenant d’analyses régionales du statut socio-économique et d’analyses régionales des données individuelles au Canada montrent les effets importants des facteurs sociaux sur l’incidence du cancer et la mortalité4749. En particulier, des effets importants ont été observés pour les cancers pour lesquels il y a des programmes de dépistage organisés50 ou des expositions élevées liées aux gradients sociaux, comme le tabagisme et le cancer du poumon51.

Les estimations présentées ici sont des projections basées sur les données nationales les plus récentes concernant le cancer et peuvent varier dans le temps. En raison du caractère intensif de l’enregistrement des diagnostics de cancer et des décès, la disponibilité des données est retardée. Bien que nous ayons inclus les données de mortalité pour 2020 de la Base canadienne de données de l’état civil — Décès, nous avons inclus seulement les données allant jusqu’à 2019 dans les projections pour éviter de biaiser les projections en raison des effets liés à la pandémie. Les rapports ont suggéré que les diminutions des diagnostics de cancer observées en 2020 étaient liées aux mesures liées à la pandémie52,53. Ces changements reflètent davantage les différences dans les modes de pratique pendant la pandémie que des changements réels dans l’incidence sous-jacente, ce qui peut fausser les projections à court terme en les détournant des tendances réelles dans l’incidence du cancer. Des itérations subséquentes de nos analyses éclaireront les projections des tendances moins affectées par les interruptions de service ou les tendances modifiées de diagnostic en raison de la réponse à la pandémie.

Nous n’avons pas inclus les données du Québec (2018, 2019) et de la Nouvelle-Écosse (2019) en raison des retards de déclaration. Ces différences auraient probablement un impact minime sur les projections globales des données nationales. Par ailleurs, même si l’approche CANPROJ a été validée à l’aide de données canadiennes, des validations propres à chaque province n’ont pas été effectuées. De plus, on a apporté des changements aux définitions des sièges de cancer pendant les années de données incluses dans les projections (annexe 1). Ces changements auront probablement peu d’incidence sur les tendances déclarées, car les définitions actuelles ont été appliquées rétroactivement à toutes les années de diagnostic utilisées à des fins de projection et sont conformes aux changements apportés aux définitions dans d’autres registres nationaux du cancer (p. ex., la North American Association of Central Cancer Registries).

Conclusion

Ces estimations soulignent les répercussions importantes du cancer sur les personnes et les systèmes de soins de santé au Canada. Bien que la réduction continue des TINA et des TMNA que nous projetons reflète une augmentation de la survie et une diminution de l’incidence du cancer se rapportant à des efforts considérables en matière de prévention, de dépistage et de traitement, des investissements continus dans tous les secteurs de la lutte contre le cancer et les soins connexes sont nécessaires pour réduire les répercussions sur toutes les personnes touchées par le cancer au Canada.

Footnotes

Intérêts concurrents: Darren Brenner indique avoir reçu du soutien de la Société canadienne du cancer et du Partenariat canadien contre le cancer. Ryan Woods déclare avoir reçu du financement de la BC Cancer Foundation, du Partenariat canadien contre le cancer et de Statistique Canada. Donna Turner déclare avoir reçu du soutien pour participer aux réunions de la Société canadienne du cancer. Aucun autre intérêt concurrent n’a été déclaré.

Cet article a été révisé par des pairs.

Collaborateurs: Tous les auteurs ont contribué à la conception et au plan du travail, ainsi qu’à l’acquisition, l’analyse et l’interprétation des données. Tous les auteurs ont rédigé le document manuscrit, ont révisé d’un œil critique le contenu intellectuel important, ont donné leur approbation finale à la version à publier et ont accepté la responsabilité de tous les aspects de l’ouvrage.

Financement: Cette publication a été élaborée par le Comité consultatif des statistiques canadiennes sur le cancer, en collaboration avec la Société canadienne du cancer, Statistique Canada, et l’Agence de la santé publique du Canada a reçu un appui financier du secteur public et de donateurs. Aucune source de financement externe n’a été obtenue pour cette étude.

Partage des données: Les données incluses dans ces analyses peuvent être obtenues par le public et les chercheurs s’ils présentent une demande et accèdent aux Centres de données de recherche de Statistique Canada.

Avis de non-responsabilité: Les constatations et conclusions exprimées dans ce rapport n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de la Société canadienne du cancer.

Traduction: L’Agence de la santé publique du Canada

This is an Open Access article distributed in accordance with the terms of the Creative Commons Attribution (CC BY-NC-ND 4.0) licence, which permits use, distribution and reproduction in any medium, provided that the original publication is properly cited, the use is noncommercial (i.e., research or educational use), and no modifications or adaptations are made. See: https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/

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